Vingt ans après sa première diffusion à la télévision, Malcolm reste l’une des meilleures séries télévisées pour parler de classe sociale et de richesse.
Comment Malcolm y parvient-il ?
Dans Malcolm, nous suivons une famille nombreuse de 7 membres. Lois la mère autoritaire, et Hal le père immature mais aimant. Et leurs cinq fils, Francis le trublion, Reese la brute, Malcolm le génie qui n’est pas à sa place, Dewey intelligent, talentueux et soucieux de lui-même et Jamie. La famille de Malcolm est pauvre ; ses deux parents travaillent au salaire minimum.
Regarder Malcolm en grandissant, c’est se rendre compte des années plus tard que cette sitcom frénétique et hilarante affirme que le salariat est une arnaque et que la méritocratie est un mythe ! Contrairement à de nombreuses séries télévisées où l’argent ne semble pas exister, ici, il est réel, presque tangible. En effet, dans Malcolm, la majeure partie de leur vie, de l’intrigue et de leurs actions tourne autour du fait qu’ils n’ont pas d’argent. À la fin de chaque épisode, tout semble revenir au point de départ, sans réelle amélioration. Le statu quo ne changera jamais.
Cette série met incontestablement en lumière les failles de notre système économique et ses classes sociales. En effet, dans un épisode, Hal découvre que son travail est inutile. Au lieu d’aller travailler, il visite chaque vendredi le parc d’attraction Sea-World sans que cela n’ait d’incidence sur son salaire et sa productivité. Le comportement de Hal met en évidence les emplois futiles et improductifs qui fleurissent sous le capitalisme et souligne que ce qui a été promis par le néolibéralisme est faux.
Dans Malcolm, lorsque Hall et Lois sont contraints d’arrêter d’avoir des relations sexuelles, leur maison se transforme en havre de paix. Ainsi, s’ils cessaient d’être des individus charnels qui suivent leurs instincts les plus fondamentaux, leur vie et leur environnement s’amélioreraient. C’est leur nature et non les horaires impossible de leur job qui se met en travers de leur vie, pas le système.
Si Hall ne fumait pas, l’argent qu’il a perdu en cigarettes aurait pu payer l’école d’art privée de son fils talentueux, Dewey. Bien entendu, dans Malcolm, tout ceci n’est que satire. C’est une parodie du rêve américain et de l’idée des conservateurs que tout retombe sur la responsabilité des individus. Malcom se moque aussi du Thatchérisme. La soi-disant méritocratie n’existe pas. Malcolm est peut-être un génie. Il peut aller dans une université prestigieuse de l’Ivy League américaine, mais il n’aura pas une vie facile. Tout simplement, car Malcolm ne possède ni le capital social, ni le capital économique et capital symbolique pour intégrer pleinement la classe supérieure. C’est ce que sa mère essaye de lui prouver tout au long de la série. Ce point est souligné dans l’un des derniers discours de la série. Dans l’épisode 22 de la saison 7, Malcolm et Lois se disputent une dernière fois, et elle dit : « Je suis désolée, Malcolm, mais tu n’as pas droit à la facilité. Tu n’as pas le droit de t’amuser, d’être riche et de vivre une vie de luxe ».
Il y a une forme de déterminisme. Et pourtant, il y a cette idée sous-jacente presque sombre que même si les choses sont comme elles sont et que tout n’est qu’arnaque, y compris le rêve américain; on se doit d’essayer. Malcolm est le seul à essayer. C’est pourquoi, il est le seul à avoir un avenir brillant devant lui. À la fin, la plupart des personnages retombent dans le statu quo. Son frère ainé, Reese, devient concierge dans leur ancien lycée. Hal et Lois attendent leur 8e enfant. Francis a toujours des problèmes d’argent, et Dewey malgré ses facultés, va très probablement continuer à suivre les pas de ses frères ainé Reese ou Francis. En effet, Dewey est un génie en art et en musique, mais il n’a jamais vraiment cherché à aller à l’encontre du manque d’intérêt de ses parents pour ce domaine et n’essaiera jamais de poursuivre quoi que ce soit dans cette direction. Dans la série, les prouesses artistiques de Dewey sont toujours accidentelles et sans suite.
Nous pouvons dire que la série Malcolm est progressiste par conception, mais dans leur idéologie profonde, elle ne l’est pas tout à fait. Bien que Malcolm critique le système de classes et confirme les théories de Bourdieu, la série continue d’une certaine manière à opposer les problèmes systémiques au comportement individuel. Elle semble indiquer que ces personnes se trouvent dans cette situation à cause de leurs propres défauts et non à cause du système. L’effet de la superstructure est abstrait, presque invisible, mais il est toujours là. Dans notre société, le capitalisme peut être identifié comme étant la superstructure. Et celle-ci est soutenue par les productions culturelles. Par exemple, la réussite dans Malcolm se traduit par le bien-être matériel, ce qui renforce la superstructure et son idéologie.
Néanmoins, nous pouvons constaté que Malcolm met en évidence sans hésitation les contradictions de l’idéologie capitaliste à travers le rire. Le capitalisme a montré ses limites, et les émissions de télévision comme Malcolm exposent ces limites au grand jour. Bien sûr, Malcolm n’est pas parfait dans sa critique car celle-ci est parfois noyé dans le rire et manque donc de force et de vivacité. Tout simplement car les séries télévisées, parmi d’autres systèmes, constituent la base de cette superstructure et leurs regards sur la réalité reste capitaliste.
Après tout, il n’est pas facile de penser en dehors de la boîte capitaliste lorsque cette boîte est tout ce que nous connaissons.