Rencontre avec Chloé Léonil, réalisatrice de la série Ultra Loin

Six ans après son entrée fracassante la famille du cinéma français et Chloé Léonil revient avec une série aussi aussi drôle qu’attachante. Rencontre avec une jeune réalisatrice qui compte bien laisser sa marque.

Ultra Loin, c’est d’abord un appel à projet lancé par David Ponchelet à France Télévision. Une idée qui séduit immédiate Chloé Léonil et qui signe ses premiers pas sur le petit écran. À mi-chemin entre Friends et The Office, Ultra loin offre un donne à voir une mockumentaire déjantée.

Pourquoi avoir fait le choix du mockumentaire pour votre premier projet télévisuel ?

Le mockumentaire permet d’avoir un ressort comique assez immédiat, la structure assez contraignante du « mockumentaire » permet également de structurer le projet plus facilement. Avoir ces contraintes nous laissait la place pour écrire sans avoir à se poser 20 milles questions. L’idée c’était de faire marcher notre série un peu comme Friends avec la collocation. On s’est aussi beaucoup inspiré de The office avec Etienne Chedeville (co-scénariste) nous sommes vraiment fan. Le principe des face-camera nous permet aussi de faire dire des choses que les personnages ne diraient jamais.

« C’est l’un des enjeux de la série mettre cette expérience en lumière. Finalement beaucoup de jeunes traversent cela mais peu de gens comprennent ce que ça implique d’être si loin de chez soi en étant soi-disant chez soi.« 

Il vous fallait raconter la réalité des ultra marins en métropole ?

Oui, l’idée de base c’est de se demander ce qui se passe avec les ultra-marins en hexagone. De raconter cette histoire un peu étrange, d’être Français sans l’être complètement, de devoir toujours justifier de là d’où on vient. Il y a tout un imaginaire qui est associé, et même si ce n’est pas méchant ou du racisme pur, il y a beaucoup de maladresse autour. Au départ, on se dit que ça va mais au bout d’un moment on est tout le temps confronter aux mêmes idées un peu fermées. C’était très important d’en parler. Même sans être né en Martinique c’est quelque chose que je peux ressentir et avec lesquelles je vis aussi. C’est l’un des enjeux de la série mettre cette expérience en lumière. Finalement beaucoup de jeunes traversent cela mais peu de gens comprennent ce que ça implique d’être si loin de chez soi en étant soi-disant chez soi. Je trouvais intéressant à réfléchir à ce qui se passe à travers cette expérience.

Cette thématique identitaire, est assez explicite dans la série à travers le travail de sociologie d’un des personnages, qui demande à ses colocataires ce qu’ils pensent de la France. Il y a un discours politique dans la série qui est assez clair à ce niveau.

Bien sûr, il y a un niveau politique. Avec Étienne (co-scénariste) nous pensons certaines choses. L’intérêt de la série chorale c’est de pouvoir défendre des points différents. Parfois prendre un point de vue plus extrême que le nôtre mais auquel on adhère a minima et que l’on peut défendre et un autre beaucoup plus éloigné. Le personnage d’Amingo sert vraiment à aborder l’aspect politique des choses.

Comment ce coté politique assumé du projet a été accueilli par France Télévisions ?

Pour être honnête cette série c’est un projet du pôle outre-mer de France Télévisions et donc nous avons plutôt eu affaire avec eux. Je sais pas s’il y a eu des frictions en interne. Concernant le pôle outre-mer, c’est leur première série et ils nous on fait confiance. C’est la première fois que je travaillais pour la télé et j’ai cru comprendre que ça se passait pas toujours aussi bien. Pour la saison 2, ils nous poussent à aller vers des choses encore plus politiques. Je crois que l’intérêt de cette série c’est de refléter la société, les façons de penser à un moment T et donc non pas de censure.

Il y a un point central dans la série avec l’histoire de Laura et son père. Pourquoi avoir intégré ce point qui n’est pas forcément un des enjeux visibles pour les jeunes d’outre-mer ?

C’est une thématique que j’aime bien en général, parler de la filiation, du rapport à son ainé, à la maternité et la paternité. Nous avons voulu donner à chaque personnage une histoire qui leur appartient en dehors du fait d’être ultra-marins. Ils ne devaient pas être des étendards de leur origine. L’histoire de Laura met en lumière la distance entre les départements et l’hexagone et les tensions que cela peut créer. Mine de rien quelqu’un qui veut fuir, qui ne veut pas assumer, peut mettre cet océan entre donc cette histoire participe un peu à notre sujet. Puis, cette fille qui ne connaît pas son père, qui espère qu’il soit super et en même temps qui lui en veut, car de toute évidence, il n’a pas été génial met en lien le rapport que peuvent avoir les départements d’outre-mer et l’hexagone. Il y a une histoire qui est compliquée voire sordide. Et en même temps c’est notre pays aussi. Ce rapport ambigu entre ressentiments, espoirs, fantasmes et peur, à travers la relation paternelle avec la filiation, nous pouvons le raconter. Laura l’exprime plus ou moins dans l’épisode 2. Globalement, le rapport à l’identité savoir d’où tu viens, englobe une des thématiques liées à notre sujet.

Il y a une certaine justesse dans la série notamment au niveau des dialogues. Comment l’avez vous atteinte ?

Nous avons donné une vraie liberté aux acteurs. Je ne suis pas née en Martinique mais j’ai quand même les codes à ce niveau-là. Mais pour les autres îles non, donc oui nous avons laissé une totale liberté aux comédiens. L’idée c’était d’avoir une collaboration avec les acteurs. Nous savions très bien que parfois en tant que réalisateur nous pouvons nous tromper. Les comédiens sont liés à ces départements d’outre-mer et ils ont pu infuser leurs références et leur façon de parler.

Oui, en effet, les acteurs viennent des régions des personnages qu’ils jouent. Pourquoi avoir fait ce choix, par souci de représentativité ?

Permettre aux acteurs ultra-marins d’avoir un espace de jeu, de les représenter est essentiel parce qu’ils n’ont pas tant d’occasions que ça. Par ailleurs, on voulait que nos personnages aient quelque chose à défendre. Ils nous fallait des gens qui soient à fond. Si tout le monde n’était pas à fond. Nous aurions pu flopper très facilement. Je ne sais pas si nous avons réussi totalement mais en tout cas ça a fonctionné. C’était important que tout le monde veuillent défendre le projet et son personnage.

Cette série elle a deux niveaux de lecture avec une compréhension ultra marine et hexagonale. Comment est-ce que vous géré ces deux niveaux d’interprétations dans l’écriture ?

Au départ, la série est destinée aux ultra-marins. On assume de faire des références que tout le monde ne saisira peut-être pas. Ça peut aussi rendre curieux. Étienne le co-scénariste n‘est pas d’origine d’outre-mer il est normand. Il a énormément lu sur le sujet. Je pense qu’il en sait beaucoup plus que moi maintenant, politiquement et socialement. Il a cet autre regard. Je pense que cela coexiste dans l’écriture. Toutefois, c’était important pour nous d’être parlant pour les ultra-marins sinon on aurait été dans l’échec.

Pour conclure cette interview, est-ce que vous avez une anecdote de tournage à nous partager ?

Dans l’épisode 3, lorsque les personnages vont au cimetière, ils chantent une chanson mais ce n’était pas écrit dans le scénario. J’avais écrit qu’il y avait de la musique mais ce chant non. Ce sont les comédiens eux-mêmes qui le matin m’ont écrit un message où ils me disaient qu’ils voulaient chanter. Ils ont tout fait eux-mêmes. Et moi de mon côté j’ai dit oui mais j’étais plus concentré sur ce qui se passait en plateau. Je ne savais pas dans quoi je m’engageais. Ils sont arrivés tout habillés de blanc. Quand ils chantaient j’ai eu une petite larme. Ils ont fait un cadeau, au projet et à moi aussi. Je pense que c’est le plus beau moment de la série. C’est assez formidable. Je trouve que ça raconte bien l’engagement des comédiens pour le projet.

Ultra Loin sera également de retour pour une saison 2 en septembre prochain.

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